Rétrospective Elisabeth Louise Vigée Le Brun au Grand Palais

Michel Rapoport

Elisabeth Louise Vigée Le Brun, Grand Palis jusqu’au 11 janvier 2016 L’art du portrait semble depuis quelques temps mobiliser les conservateurs. Le printemps dernier, la RMN présentait au Grand Palais Velasquez portraitiste ; actuellement, à Londres, on peut voir à la National Gallery les portraits peints par Goya et à la Royal Academy, Jean-Etienne Liotard, auteur inspiré aussi du portrait. A Paris, au Grand Palais, a succédé à Velasquez, Elisabeth Louise Vigée Le Brun. Cette rétrospective, présentée par la RMN, est la première qui ait jamais été organisée en France et la seconde au monde après celle du Kimbell Art Museum de Fort Worth qui remonte à une trentaine d’années. L’initiative est la bienvenue à plusieurs titres. D’abord, en dehors des quelques tableaux qui viennent à l’esprit lorsque est évoquée le nom d’E.L. Vigée Le Brun (la « Tendresse Maternelle », Marie-Antoinette et ses enfants, la Duchesse de Polignac), l’essentiel de son œuvre est méconnu, certains tableaux n’ayant refait surface que depuis peu de temps. Cette exposition, qui présente plus d’une centaine de ses œuvres, dont nombre proviennent de collections privées, révèle la richesse, la diversité et l’évolution dans les techniques (dessin, peinture, pastel) d’une artiste qui se consacra pour l’essentiel au portrait. Ensuite, cette exposition permet de découvrir une « grande femme-peintre », qui eut du mal à s’imposer dans un milieu dominé par les hommes, mais qui réussit, par son talent, ses réseaux et appuis, en particulier celui de Marie-Antoinette, à forcer, avant la Révolution, la porte des grandes institutions, Académie de Saint-Luc, puis Académie royale de peinture et de sculpture. L’exposition, dans une scénographie séduisante, est construite selon un parcours où chronologie et thématique s’entrecroisent. Ce qui était une nécessité étant donnée la longue carrière d’E.L. Vigée Le Brun (elle débute sous le règne de Louis XVI et s’achève au temps de Louis-Philippe) et ses pérégrinations à travers l’Europe dès les débuts de la Révolution et qui la conduisent jusqu’à la cour de la Grande Catherine. Les premières salles sont consacrées aux images de l’artiste, qui témoignent d’une maîtrise de l’autoportrait ; à la représentation de ses proches dont le rôle fut si important pour les débuts de sa carrière ; à ses combats ; à ses succès, auprès de l’aristocratie et du couple royal. Elles donnent à voir aussi celle qui sut peindre l’enfance et l’amour maternel. E.L. Vigée Le Brun ne fut pas l’unique femme peintre de son temps et les commissaires de l’exposition en présentant quelques œuvres de concurrentes réussissent à faire ressortir la supériorité de son talent. Les salles du second étage correspondent au temps de l’émigration, temps où l’artiste, remarquable femme d’affaire, qui constitua une belle fortune, met son talent au service des aristocraties étrangères, napolitaine, viennoise, russe, anglaise. Sollicitée, elle multiplie les portraits, témoignage de son art, de sa capacité à saisir la psychologie de ses modèles, de son inventivité dans le choix des travestissements, des poses, de sa maîtrise de la palette. Talents qu’elle continue d’exploiter après un retour en France sous le Consulat et l’Empire, encore entrecoupé de séjours à l’étranger où l’aristocratie continue à se faire portraiturer. L’exposition révèle la sensibilité d’une femme qui ne fut pas toujours appréciée pour ses audaces. Enfin cette exposition met aussi en valeur les emprunts aux grands peintres flamands et italiens, Rubens en particulier qu’elle chérit, mais aussi Van Dyck, Titien et d’autres . On regrettera, néanmoins, l’œuvre d’Elisabeth Louise Vigée Le Brun paysagiste ait été quasiment occulté. L’exposition est accompagnée d’un riche catalogue qui présente une série de sept essais permettant de replacer l’artiste dans son temps où sensualité, volupté se peignent (Une femme de lumière, Elisabeth Louise Vigée Le Brun et « l’esprit européen »), d’analyser certains de ses choix (Entre réalité et fiction, les choix vestimentaires de Mme Vigée Le Brun), de présenter la place des femmes à l’Académie royale, de rappeler qu’elle fut aussi femme de plume. Ces essais sont suivis du catalogue des œuvres présentées accompagnées d’utiles commentaires. Enfin il faut souligner, cette fois, la qualité des reproductions. Elisabeth Louise Vigée Le Brun, Grand Palais, jusqu’au 11 janvier. Tous les jours sauf le mardi, de 10h à 20h ; nocturne le mercredi jusqu’à 22 heures. Fermeture à 18h les 24 et 31 décembre. Fermé le 25 décembre. Entrée Clemenceau


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